Grève des transporteurs en commun : les Kinois soumis à la marche involontaire

Le mouvement de grève déclenché, le lundi 29 juillet 2024 par les conducteurs de taxi et taxi-bus, a été suivi dans plusieurs coins de la ville de Kinshasa, avec pour conséquence, la perturbation de la circulation sur plusieurs axes routiers. D’un côté, les chauffeurs réclament notamment, la hausse de tarif de la course et dénoncent les diverses tracasseries dont ils sont victimes. De l’autre, les responsables des structures des conducteurs ne reconnaissent pas cette grève. C’est dans cette cacophonie que les Kinois ont été contraints à une marche involontaire pour se déplacer.


Travailleurs et commerçants sont la catégorie la plus affectée par cette grève déclenchée lundi par les conducteurs de Kinshasa. Habitués à se lever tôt le matin pour se rendre dans leurs lieux d’activités, les Kinois qui, pour la majorité, n’était pas informés de ce mouvement de grève, ont été désagréablement surpris en arrivant aux terminus et autres arrêts de bus.

« Nous n’étions pas au courant de cette grève des chauffeurs des taxi-bus faute d’électricité. Cette situation a paralysé quelques activités socio-économiques dans la ville, car nous ne savons pas comment nous déplacer jusqu’au lieu où nous exerçons notre commerce. À cette allure, tous nos magasins vont rester fermés », a confié Olga Makini, vendeuse de ballots de friperie au marché municipal Gambela, citée par l’ACP.

Le ras-le-bol des chauffeurs

Les conducteurs ont exprimé leur ras-le-bol et se déchaînent, en justifiant leur décision. « Trop de tracasseries et embouteillages, nous n’arrivons pas à bien travailler et la tarification pose problème. Ce sont là les causes majeures de notre grève », a expliqué Vangu Matondo, conducteur de taxi-bus.

Samy Gizenga, un autre conducteur de taxi qui fait des navettes entre Pompage et Kintambo Magazin, affirme qu’« on nous demande d’appliquer la grille tarifaire officielle laissée par l’ancien gouverneur de la ville de Kinshasa, alors que le prix du litre de carburant à la station a augmenté à plusieurs reprises. En principe, quand il y a hausse de prix de carburant à hauteur de 10%, le prix de la course augmente aussi. Mais rien n’a été fait jusque-là », a-t-il déploré.

Dans ces conditions, la moto s’est imposée comme seul moyen de transport disponible pour se déplacer à Kinshasa la journée de lundi. Cependant, la hausse du prix de transport de taxi moto n’a pas permis à un bon nombre de personnes de sortir surtout ceux qui habitent loin du centre-ville.

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les « Wewa» ont trouvé une opportunité de majorer le prix des courses à bord de leurs engins qui du reste, présentent énormément des risques surtout que les conducteurs sont souvent des jeunes qui, pour la plupart, s’adonnent à des stupéfiants et conduisent en état d’ébriété, sans aucun maîtrise du Code de la route.

De l’autre côté, les conducteurs des motos et motos Gizi (tricycle) se sentent « minimisés et ridiculisés par les Kinois », selon Ado Mbuyi, conducteur de ce type de moto taxi. « Voilà aujourd’hui, nous sommes incontournables. J’ai ajouté 500 Fc sur le prix normal, étant donné qu’il y a grève des chauffeurs. Au moins moi, j’aide mes frères et sœurs à se rendre au travail, contrairement aux chauffeurs des motos taxis qui ont doublé, voire triplé le prix de la course », s’est-il félicité.

Cacophonie

C’est dans ce contexte que les responsables de l’Association des chauffeurs du Congo (ACCO) ont été conviés lundi, à une réunion à l’Hôtel de ville de Kinshasa, pour trouver une solution à ce mouvement de grève. « Nous avons adressé une correspondance au gouverneur de la ville. Dans cette lettre, nous avons exposé toutes nos revendications liées notamment, au taux du dollar, à l’augmentation du prix du carburant à la pompe, les tracasseries des agents sur la route et dans les parkings. Le gouverneur est en train d’étudier tous ces dossiers. Il a promis de nous recevoir dans un meilleur délai pour nous donner une suite favorable », a confié Bienvenu Kakule, président provincial de l’ACCO.

Même réaction du côté de l’Association libre des conducteurs du Congo (ALCC). « Aucune association affiliée à la synergie des chauffeurs n’a validé ce mouvement de grève d’aujourd’hui. Nous ne sommes pas au courant, parce que le mouvement de grève doit être effectué dans la légalité. Les chauffeurs eux-mêmes se sont pris en charge pour occasionner cette grève bien que leurs revendications soient fondées, mais la procédure n’était pas respectée », a fait savoir Acky Mwamba, président de cette structure.

Le président de l’ACCO a ainsi appelé les transporteurs en commun à «vaquer librement à leurs occupations. Qu’ils se calment. L’association des chauffeurs du Congo (ACCO) n’a pas décrété de grève. Ce sont des membres mal intentionnés qui ont incité à ce mouvement. Nous sommes en pourparlers avec les autorités sur tous les dossiers des chauffeurs », a déclaré Bienvenu Kakule.

En outre, une réunion d’urgence a été convoquée par le vice-Premier ministre en charge des Transports, Jean-Pierre Bemba, avec la délégation syndicale de la Société de transports du Congo (Transco) qui a appelé à la fin de la grève.

D’après M. Didier Kimbumbu, président de l’intersyndicale de Transco, « le gouvernement a pris en compte les doléances des agents et promis de payer deux mois d’arriérés de salaire dans les heures qui suivent et va payer les allocations scolaires d’ici le 15 août ». Par ailleurs, le VPM Jean-Pierre Bemba a diligenté un audit de 48heures pour établir les responsabilités de la mégestion décriée par les agents de Transco.

Des solutions pérennes s’imposent

D’aucuns pensent que la réhabilitation des voies ferrées en République démocratique du Congo est l’une des solutions aux problèmes de transport en commun et des embouteillages dans l’ensemble du pays.

‹‹ Lors de l’indépendance en 1960, le Congo avait des réseaux ferroviaires. Les voies ferrées sont en train de disparaitre en RDC, ce sont des véhicules poids lourds qui transportent dans une seule voie routière, la conséquence c’est ce que nous vivons aujourd’hui.Commençons d’abord à réhabiliter ces voies ferrées qui existaient et pensons ensuite à la construction d’autres routes de grande utilité pour trouver des solutions aux problèmes de transport et des embouteillages », a déclaré le Pr Jacques Ebweme, président du conseil d’administration du Centre de recherche indépendant et interdisciplinaire congolais (Cric) de l’Université de Kinshasa.

Par ailleurs, le secteur de transport en commun est plus dominé par les particuliers et augmentent les prix selon leurs humeurs et le temps qu’il fait. Le gouvernement congolais devra trouver des solutions pérennes, en mettant en circulation ses propres moyens de transport pour se mettre à l’abri de caprices des particuliers qui ont soumis les Kinois à une marche de santé involontaire.

Infoplus.cd


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